Historique de la thérapie d’activation de conscience
De la préhistoire au seizième siècle, les thérapeutes et les médecins sont des « agents » au service des Dieux, à l’époque panthéiste d’Hippocrate, ou de Dieu, dans la spiritualité mono-théiste judéo-islamo-chrétienne. Au seizième siècle, Ambroise Paré , médecin et chirurgien de François Premier, dit à propos des patients qu’il soigne : « Je les panse – Dieu les guérit ». Si les médecins dérogeaient à cette vision omnipotente d’un Dieu guérisseur, ils risquaient… le bûcher. Cependant, à la fin du seizième siècle, sous l’influence de philosophes français et anglo-saxons, l’esprit du monde se modernise et le développement du protestantisme et de l’humanisme vont ébranler cette vision d’un Dieu tout puissant. L’autocratie, glissant du spirituel au temporel, va être assumée par les rois ou les parlements… Les Temps Modernes sont en marche (quatre siècles avant Charlie Chaplin).
Au dix-septième siècle, les philosophes anglo-saxons, Locke, Home, vont travailler sur les notions de conscience, d’inconscient, de libre arbitre et de volonté. Leurs réflexions vont influencer les philosophes français du Siècle des Lumières, en particulier Rousseau et Voltaire. Les médecins « éclairés » vont utiliser ces notions dans leurs interventions thérapeutiques ; la psychothérapie est en incubation.
Au dix-huitième siècle, Anton Mesmer se présente comme un homme « hors du commun ». Médecin, théologien, astronome, astrologue, alchimiste et aussi chimiste et physicien, il figure l’ Homme Moderne qui fréquente les Humanités et la Science de son époque. Le magnétisme, science qui étudie l’attraction de certains métaux entre eux et l’électromagnétisme sont deux découvertes retentissantes de cette époque. Mesmer connaît les travaux de Faraday et il utilise ces données scientifiques pour les appliquer à une nouvelle technique de soins qu’il intitule : le magnétisme animal. En utilisant le vocable, animal, Mesmer montre son intelligence ; animal fait référence au mouvement magnétique qui « anime » les corps et aussi au mouvement en lien avec l’âme, « anima » en latin. Il évite ainsi les foudres des autorités religieuses. Il développe avec succès cette approche créant une première grande révolution dans le monde de la médecine. Les médecins instruits, modernes, scientifiques, vont suivre Mesmer, adopter sa conception et devenir : médecins magnétiseurs. Les soignants qui refusent cette nouveauté constituent « officiellement » le corps des guérisseurs ; guérisseurs qui existent encore à notre époque et qui, pour la plupart d’entre eux , réalisent leur travail en toute bonne foi et honnêteté. Cependant, certains guérisseurs ont gardé ce titre pour continuer à profiter de la crédulité de certains patients.
Au dix-neuvième siècle apparaît un deuxième personnage dans notre histoire « raccourcie » de la médecine. James Braid, chirurgien écossais et homme de science connaît l’évolution scientifique de son époque et suit le développement de deux nouveaux compartiments de la médecine : la neurologie et la psychiatrie. Il publie en 1843 un retentissant ouvrage, Neurypnology, dans lequel il écrit : « il n’y a pas de magnétisme, il n’y a que de la suggestion ». Cette deuxième révolution dans le monde de la médecine va entraîner, dans le sillage de Braid, les médecins modernes et scientifiques qui quittent l’espace du magnétisme pour adhérer à cette nouvelle science : l’hypnose. L’hypnose est expliquée par l’action neurologique de la suggestion, action qui génère un état comparable au sommeil. Ces médecins « modernes » deviennent des hypnotistes et ceux qui ne croient pas en cette théorie neurologique se placent « officiellement » dans la catégorie des magnétiseurs ; magnétiseurs qui opèrent encore à notre époque, certains en toute bonne foi et honnêtement, d’autres utilisant la crédulité de certains patients. Notons que les magnétiseurs de théâtre vont tous adopter ce vocable moderne, hypnose, et devenir aussi des hypnotistes.
Au vingtième siècle, le thérapeute « hors du commun », marquant de son intuitive empreinte notre histoire raccourcie de la médecine, est Milton Erickson. Sa vision « prophétique » et moderne d’inconscient bienveillant va entraîner une troisième révolution. Les psycho-thérapeutes qui acceptent cette idée d’un inconscient « collaborateur », travaillant en parallèle et à l’insu de la conscience vont devenir des hypnothérapeutes ericksoniens, groupe qui a marqué ma jeune vie de soignant. Ce groupe va se détacher des thérapeutes qui n’acceptent pas cette version bienveillante de l’inconscient et cette séparation sera l’occasion de critiques virulentes envers la pratique de l’hypnose, considérée comme une espèce de « dressage », de rééducation forcée de l’inconscient. Nous avons résisté à ces attaques et pratiqué en fin du siècle dernier une hypnose ericksonienne efficace et appréciée par nos patients. Pratique toujours accompagnée par les artistes hypnotiseurs du music-hall.
Au vingt et unième siècle, les neuro-sciences se développent à grande vitesse et les travaux, principalement axés sur l’étude de la conscience, révolutionnent notre conception de l’hypnose. L’hypnose n’est plus un état proche du sommeil, elle peut être assimilée à une activation particulière de la conscience. La conscience elle-même n’est plus parcellisée en morceaux (conscient, inconscient, sub-conscient), elle est un espace unique, non cloisonné, fonctionnel, toujours actif, à intensité variable. Cette nouvelle carte de la conscience modifie profondément notre technique « hypnotique » et ces modifications, soutenues par l’idée d’activation de la conscience, nous permettent d’élaborer un nouveau modèle technique et thérapeutique, complémentaire du modèle hypnotique d’Erickson.
Allons-nous assister à une quatrième révolution dans notre courte histoire ?
Révolution qui permettrait aux « modernes » de pratiquer un acte thérapeutique axé sur ces nouvelles notions d’activation de conscience et laisserait sur la touche les hypnotiseurs qui ne voudraient pas suivre ce chemin, pour des raisons qui leurs sont personnelles, et surtout les artistes de music-hall qui continueront à pratiquer une hypnose basée sur le pouvoir, le sommeil profond et la soumission.
Heureuse époque où je n’aurais plus a expliquer à mes patients que ce que je leur propose « ce n’est pas ce qu’ils ont vu hier soir à la télévision, hypnose pratiquée par un certain fascinateur … Messmer… ».
Il est permis de rêver et, dans une vision spinoziste de la vie privilégiant l’action joyeuse, nous œuvrons pour avancer dans cette fraîche, dynamique et contemporaine direction… en paraphrasant, a minima, la célèbre injonction de Philippe VI de Valois « qui nous aime, nous suive ».