Les cellules souches 9 mars 1960 : Révolution dans ma famille
À vingt heures trente, Marcel Pagnol, Jean Giono et Fernandel se sont donné rendez-vous dans notre “cuisine-salle à manger”. En début d’après-midi, Monsieur Subra, “l’électricien”, est venu installer le poste de télévision que mon père venait d’acheter.
Nous vivons dans une gendarmerie d’une petite sous-préfecture du sud-ouest et, ce soir-là, la “cuisine – salle à manger” fait salle comble pour accueillir les dix gendarmes et leur famille qui viennent assister à la projection du film de Pagnol : REGAIN
Longtemps, notre télévision fut la seule de la gendarmerie. Quelques mois plus tard, elle devint le centre d’un rituel qui me fascina, quatre fois par an, pendant plusieurs années.
Si le sud-ouest fut le terrain de luttes religieuses qui opposèrent catholiques, protestants, albigeois ou autres cathares, la religion “universelle” pratiquée à cette époque était le rugby ; “le rrruby” comme on disait avec l’accent rocailleux et chantant des Pyrénées. Le tournoi des cinq Nations était la grande cérémonie, en quatre messes, qui opposait la France aux quatre nations d’outre-Manche. Les matchs se déroulaient le samedi à quinze heures et, pendant deux heures, la vie s’arrêtait, les oreilles se collaient aux postes radio à transistor, pendant que quelques privilégiés s’agglutinaient autour des rares postes de télévision.
À quatorze heures cinquante-cinq précises, le rituel débute dans notre “cuisine-salle à manger”.
Ma mère place une dizaine de chaises, disposées façon cinéma, en face de notre télévision.
Je suis chargé de guetter l’arrivée des gendarmes qui vont assister à la lutte des rugbymen français et de leur ouvrir la porte vitrée.
Ils saluent ma mère, posent leurs képis sur la table et s’installent en laissant la meilleure place à l’adjudant.
À quinze heures retentit l’hymne de l’Eurovision, le Te Deum de Marc Antoine Charpentier. Cinq minutes après, l’adjudant se lève, se couvre de son képi et crie : “Debout ! Garde à vous !” Les gendarmes se dressent et se figent au garde à vous pour écouter les hymnes nationaux. “Repos”.
Ils peuvent enfin s’asseoir, poser leur képi et assister à la rencontre. Assister est un petit mot ; à la première faute sifflée contre un français, nos braves pandores sortent des phrases, accompagnés de gesticulations, qu’ils n’auraient pas hésité à verbaliser si elles leur avaient été adressées. Les chaises qui se trouvaient à trois mètres du poste en début de partie sont, à la fin, collées à la télévision. Cravates dénouées, chemises ouvertes, visages exsangues, nos gendarmes “supportent” héroïquement notre équipe. Au coup de sifflet final, l’adjudant, qui n’était pas le moins hardant de ces supporters, se reprend et remet de l’ordre dans sa troupe : “Debout Messieurs. Rectifiez votre position et en rang ! En avant marche”. J’ouvre la porte vitrée en ayant l’impression que ces braves soldats défilent pour moi.
Un des héros de l’équipe de France de cette époque nous intéresse particulièrement. Walter Spanghero était troisième ligne et capitaine de notre équipe. Comme disait mon père, “il allait au charbon”, ce que nous pouvons traduire par “il n’hésitait pas à s’engager physiquement”. Cet engagement, sans retenue, lui valait de nombreuses fractures, des côtes, des os du poignet et de l’avant-bras.
Habituellement, une fracture se consolide en quarante-cinq jours. Walter consolidait les siennes en vingt-cinq jours. Lorsqu’on lui demandait comment il faisait pour accélérer ce processus physiologique, il répondait : “Moi, je ne peux pas perdre quarante-cinq jours ; je dois m’occuper de mes vignes, de mon équipe et de ma famille. Alors, le matin et le soir, je regarde mon plâtre ou la région où l’os est cassé, je me représente la fracture et je lui dis : fracture guérit vite, vite, vite ; et je l’imagine qui fabrique un nouvel os solide, rapidement”.
Sans le savoir, Walter appliquait la célèbre méthode du docteur Coué, génial personnage du début du vingtième siècle, auquel nous consacrerons une rubrique dans quelque temps.
Au début du troisième millénaire, nous pouvons expliquer le phénomène d’accélération de consolidation de fracture, que Spanghero avait découvert par un intelligent hasard. La clé du mystère se trouve dans l’activité des cellules souches.
Si vous connaissez ces cellules, ne lisez pas la suite, vous n’apprendrez rien de nouveau. Si vous ne connaissez pas, vous allez connaître la découverte la plus surprenante de ces dernières années dans le domaine de la médecine, de la santé, de la vie.
Vous savez qu’un jour, votre papa et votre maman, à la suite d’un câlin, ont mis en commun un ovule et un spermatozoïde. Ces deux cellules se sont combinées pour en donner une qui s’est divisée en deux, identiques, puis en quatre, huit, seize, etc.…. Cette multiplication de cellules identiques va se dérouler pendant quatre jours environ.
Ensuite, les cellules vont continuer à se développer, mais en prenant des formes différentes : certaines vont donner les cellules de la peau, d’autres les os, quelques-unes les muscles. L’ensemble va aboutir au beau bébé que vous fûtes, le jour de votre naissance. Mais, un certain nombre de cellules vont rester identiques aux cellules de départ : ce sont les cellules souches.
Ces cellules se trouvent dans tous les organes et dans tous les endroits du corps où circule le sang.
Quel est leur rôle ?
Imaginez que vous bricolez et, malencontreusement, le marteau rate le clou et écrase votre pouce. Ce malheureux doigt se met à rougir, puis à grossir, puis devient douloureux ; les cellules écrasées produisent des protéines qui créent ce phénomène inflammatoire.
Pendant des années, les médecins ont donné, aux bricoleurs maladroits, des anti-inflammatoires pour atténuer leur souffrance.
Depuis que nous connaissons mieux ce phénomène, nous ne prescrivons plus ces produits ; en voici la raison. Les cellules blessées, fabriquent des protéines qu’elles envoient à l’extérieur de la cellule ; ces protéines sont de véritables messages, destinés aux cellules souches qui “patrouillent” dans la région.
Ainsi, une cellule dont la membrane a été légèrement déchirée par le coup de marteau, va envoyer un message qui demande aux cellules souches de fabriquer une “colle” qui va colmater la brèche. Si la cellule a été gravement endommagée et est en train de mourir, elle envoie un message de détresse avant “son dernier soupir”. Une cellule souche va venir la remplacer à l’endroit où elle se situait dans le corps. Ainsi, les cellules souches sont capables de réparer n’importe quelle lésion cellulaire et elles ont la possibilité de remplacer toute cellule morte, à la condition que leur travail ne soit pas perturbé par des produits chimiques “anti-inflammatoires”.
Elles peuvent même remplacer des cellules nerveuses, découverte fantastique de ces dernières années ; on nous avait appris que nous possédions, à la naissance, un certain nombre de neurones et que, vers l’âge de quinze ans, nous en perdions un certain nombre tous les jours. Nous savons aujourd’hui que ce dogme était faux et que les neurones, grâce aux cellules souches peuvent aussi se reproduire.
Alors, quel est le lien avec les fractures de Walter Spanghero ?
Une étude américaine vient de démonter que l’activité des cellules souches peut être influencée par la pensée et surtout, par l’emploi de suggestions hypnotiques.
Walter, sans le savoir, se conditionnait, se mettait en état hypnotique et s’administrait de véritables autosuggestions de guérison qui activaient son système de cellules souches réparatrices.
Cher lecteur, vous pouvez faire de même, lorsqu’une partie de votre corps subira les conséquences d’un geste de bricolage mal maîtrisé.